dix-huit mois de recherche-action au sein d’une résidence sociale, artistique et temporaire à Strasbourg

16 ¦ 05 ¦ 2019
Habitat intercalaire

Comparatif des lieux d’accueil à Strasbourg

16 ¦ 05 ¦ 2019 · Habitat intercalaire Squat vs Odylus
En questionnement Comparatif avec les lieux d'accueil d'urgence à strasbourg
Illustration René pendant la Fête de la musique– Cour de l’Odylus, 21 juin 2019
Auteur·e·s René, résident à l’Odylus d’avril 2019 à juillet 2020 · Pauline, membre d’Horizome, présente à l’Odylus d’avril 2018 à octobre 2020 · Kevin, chercheur bénévole

↘ René est arrivé le 4 avril 2019 à Odylus, il a été l'un des premiers résidents de l'Odylus. Un caractère de feu, il a vite créé ses marques dans le lieu. Parti le 15 juillet 2020, il voulait partager avec nous son avis sur les lieux d'accueil à Strasbourg.

Le texte ci-dessous est un extrait de son premier entretien datant du 16 mai 2019. ↙

René

Tu connais les remparts là-bas derrière ? Tu vois les grands bâtiments qu'c'est ? Tu vas pas dire qu'on peut pas faire de travaux là-bas ? Ils pourraient en mettre des gens là-dedans… Mais bon… Ils préfèrent voir les gens qui dorment dehors… Ou qui meurent dehors... Parce que quand il y a des gens qui meurent dehors, c'est rare que c'est noté dans le journal. C'est honteux de voir ça. Quand tu vois des familles avec des enfants dormir dehors, dans les tentes … Moi j'ai dormi dans les tentes, l'hiver il caille, pffou... Macron il a dit dans son discours avant qu'il se présente, il y aura plus personne qui dormira dehors…à la fin de son mandat… Tu parles...

Pauline

Tu en penses quoi de ce type de lieu ou de projet comme ici ? Vu que tu dis qu'il faut des lieux pour les gens à la rue, là c'est un peu ça avec cet exemple de l'Odylus : comment au travers d'un grand chantier, on l'utilise pour habiter les espaces présents…

René

Mais ce lieu, il a déjà été squatté de toutes façons… C'est quand même bête de pas avoir sécurisé le lieu avant qu'on arrive… Nous on paye quand même un loyer ici. Au départ c'était dit 10 %, maintenant c'est monté à 15 %… Ça dépend des revenus, pour ceux qui ont 580 euros de RSA par mois, c'est à peu près 80 euros. Moi je dois payer 174 euros le mois… Parce que c'est en fonction de ce que tu gagnes quoi. C'est moche... C'est l'État qui a voulu ça, qu'on paye un loyer. Mais tu crois que toutes les familles peuvent payer ? Pourquoi d'un côté, il y en qui payent et d'autres pas… C'est moche quoi. On n’est pas logé à la même enseigne… Tu connais Lieutay ?

Kevin

Ouais, un peu.

René

Tu l'as visité ?

Kevin

Non.

René

Moi j'y étais, j'avais appelé le 115, on m'a dit « Vous allez une semaine à Lieutay... » Bon. Quand je suis arrivé mais laisse tomber, quand j'ai vu l'état j'ai dit « Non, non, je reste le week-end mais pas la semaine… »
Parce que pour prendre les douches, c'est dehors ; les WC c'est dehors. Je veux bien être gentil mais on n’est pas des esclaves… Je suis resté que le week-end et j'ai rappelé le 115, non mais oh... J'en reviens là-dessus sur Lieutay… Attendez qu'est-ce que je voulais dire ici ? Ah oui, il y a des gens on les a sortis de là-bas pour venir ici et en fait, les autres ils vont aller à l'hôtel mais attends c'est n'importe quoi, ça coûte cher ça. Et on leur donne le choix : soit Odylus, soit l'hôtel. Il y en a, ils sont pas venus… C'est n'importe quoi…

Kevin

Mais du coup il y a pas de cuisine à l'hôtel ?

René

Non, non, ils font à manger dans les chambres...

Pauline

Et du coup, t'étais à Lieutay juste avant de venir ici ?

René

Non, non ! J'étais à Fritz Kiener, dans la rue Fritz Kiener… Derrière l'église Saint-Thomas, Krutenau…
Fritz Kiener et Rempart, ça appartient à la mairie, il y a aussi le Château d'eau, je sais pas à qui ça appartient ça mais ça dépend pas de la mairie, je sais pas c'est qui… euh… Je te parle là des structures qui sont ouvertes tout le temps (toute l'année). Il y a ces trois-là… Mais l'hiver il y a aussi Lieutay pour quatre-vingt personnes, bon, je sais pas si l'année prochaine ça sera encore ouvert… Ils vont en faire des bureaux.

Il y a aussi Koenigshoffen… Il y a quarante places, c'est pas mal là, c'est en face de la poste mais le problème c'est qu'il y a pas de douches… Ça, c'est l'inconvénient. Et il y a l'espace Bayard (les Remparts), c'est ouvert le soir à partir de 18h jusqu'au lendemain matin…

Kevin

Et Fritz Kiener, c'est ouvert que le soir aussi ?

René

Fritz Kiener, ça dépend de la mairie. C'est ouvert parce que… Tu as accueil de jour et accueil de nuit, ça veut dire tu rentres à partir de 17h équipe de nuit, jusqu'au lendemain matin, euh…jusqu'à 8h45, tu sors de ces locaux parce que tu as pas le droit de rester…et après, tu vas à côté, là il y a l'équipe de jour. Le samedi-dimanche, tu peux rentrer dans la structure à partir de 13h, mais c'est quand on est en week-end. Voilà autrement t'as pas le droit. Remparts, c'est pareil… Le château d'eau, c'est un peu comme ici (Odylus), tu peux entrer, tu sors, tu rentres… T'as pas de comptes à rendre. Ah si ! Le problème, tu as quand même des comptes à rendre…euh… Si tu veux rester plus longtemps dehors, il faut que tu dises « Tiens, je rentre vers 23h ou à minuit… »

Pauline

Ok, il faut que tu préviennes...

René

Alors que ici, rien, tu dis rien… Ça, c'est bien…euh… Mais ici, le problème, c'est qu'il y a pas de gardien alors… Bin c'est pas du tout sécurisé… Parce que ouais, on sait jamais, le mec il donne un coup de pied dans la porte (juste avec le coude, on peut ouvrir la porte d'entrée du lieu) il rentre et voilà, ça va squatter, ça va voler, c'est ça le problème… Ici, c'est comme un squat en fait.

Kevin

Et ça te plaît ?

René

Oui ça va, on est bien accueilli et pis on a de la liberté au moins. Mais moi ce que je veux, c'est un vrai appartement, ça oui… Bon ici, il y a aussi les copains, on peut s'aider comme avec mon coloc’ par exemple mais bon… C'est quand même un chantier… On sait rien sur l'après, ça c'est moche...

Kevin

Tu te rappelles de cet endroit avant que ça soit abandonné ?

René

Moi ça fait trente ans que je suis à Strasbourg, j'ai habité dix ans à Neudorf, je connais quand même et en plus j'ai été chauffeur-livreur : si je connais pas il y a un problème ! Par contre ici, j'étais jamais venu, c'étaient des sœurs qui s'occupaient de ça, j'ai déjà livré des colis là-dedans mais bon tu sais, c'était pas un endroit où j'aimais bien aller… Tu vois, [rires] un lit d'hôpitaux, c'est pas… Parce que quand tu commences à rentrer là-dedans, tu sais pas quand tu vas ressortir… Je les livrais, ils étaient gentils, serviables, c'est vrai et maintenant ils sont dans le nouveau lieu pas loin, là-bas… Habiter dans une clinique, quand on y pense, c'est quand même… Euh…je sais pas, ça fait malade quoi...